Page:Ménard - Poèmes et Rèveries d’un paien mistique, 1895.djvu/64

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naves, nous ne voulons renaître que pour l’éternité du combat. Que notre sang serve d’engrais à la moisson future : il faut que la guerre se poursuive tant qu’il y aura des tyrans et des esclaves, et bienheureux ceux qui pourront briser les dernières chaînes et brûler le dernier trône !

Lui. Vous ne ferez pas même grâce au trône pontifical ?

Moi. Je n’aurais pas cru que vous dussiez regretter celui-là ; est-ce générosité pour un vieil ennemi, ou bien êtes-vous comme les femmes qui aiment mieux ceux qui les battent que ceux qui ne s’occupent pas d’elles ?

Lui. Je n’ai pas dit que je regrettais, mais je crois qu’il pourrait convenir à un représentant de la philosophie sur la terre.

Moi. Je ne veux pas plus des rois philosophes que des autres ; ils ont des successeurs, et Commode me dégoûterait de Marc-Aurèle.

Lui. Je ne vous parle pas d’un roi, mais d’une papauté philosophique.

Moi. Voilà qui est contradictoire et impossible.

Lui. Pas tant que vous croyez. En Galilée, il y a dix-huit cents ans, quelqu’un annonçait aux déshérités de la terre tout ce que vous leur promettez aujourd’hui. Allez à Rome, vous y verrez son vicaire, le serviteur des serviteurs de Dieu, et il vous fera baiser sa pantoufle. Êtes-vous sûr de ne pas travailler pour une nouvelle aristocratie de cardinaux ou de mandarins ?

Moi. Diable ! diable !

Lui. Je suis là, soyez tranquille. Si quelque futur grand Lama de la philosophie veut s’installer dans votre forteresse, vos enfants trouveront pour la démolir le secours de mes vieilles griffes. Heureusement pour