Page:Ménard - Rêveries d’un païen mystique, 1911.djvu/110

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ruisseau jusqu’à la source. L’air était lourd, le soleil du solstice avait brûlé les feuilles des buissons, le vent du sud avait desséché le gazon de la prairie, le murmure de l’eau ressemblait à une plainte, et au lieu de musique joyeuse dans les hautes herbes, on entendait une lugubre harmonie de soupirs étouffés. Il y a des larmes dans les choses, mais nous, toujours occupés de notre égoïste misère, nous ne les entendons pas. Hilarion se rappelait avoir entendu raconter que le patron des anachorètes, Saint Antoine, en traversant le désert, avait rencontré des Centaures qui lui indiquaient sa route, et des Satyres qui s’approchaient de lui d’un air craintif et doux, en lui offrant des herbes et en lui demandant ses prières. Pour l’homme, la douleur est une épreuve ; s’il y retrempe son courage, elle est pour lui la voie du salut. Mais la nature, pourquoi souffre-t-elle ? Elle est comme nous l’œuvre de Dieu ; pourquoi serait-elle maudite pendant l’éternité ? Ce long cri d’agonie des créatures vivantes qui s’entre-dévorent montera-t-il toujours inutilement jusqu’au trône de Dieu ? Est-ce là l’hymne qui convient à sa bonté et à sa justice ? La su-