Page:Ménard - Rêveries d’un païen mystique, 1911.djvu/112

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Hilarion ; l’eau tombait de ses doigts en perles lumineuses, au soleil couchant. Elle approcha ses mains des lèvres de l’ascète, et il but trop avidement sans doute, car il sentit monter vers son front une ivresse inconnue. Il ne pensait à rien, qu’à la regarder.

Pourquoi m’as-tu quittée ? disait-elle ; n’étais-je pas ton enfant ? J’ai eu peur quand j’ai vu venir les grandes eaux. J’étais dans la barque ; il a pris la rame, et j’ai bien vu qu’il m’entraînait vers les écueils.

— Qui ? de qui parles-tu ?

— De celui qui a pris l’âme que tu m’avais donnée.

Hilarion sentit un nuage noir qui lui descendait sur les yeux. Elle continua :

J’ai appelé au secours : tu étais donc bien loin que tu ne m’as pas entendue ? Lui, m’a regardée avec colère et m’a demandé si j’avais de quoi payer mon passage. J’ai rougi sans répondre. Alors, s’élançant vers la rive, il repoussa la barque du pied. Je fermai les yeux, et le courant me jeta sur le rivage opposé : Que Dieu lui pardonne, comme je lui ai pardonné.

— Tu es bien prompte au pardon, jeune fille,