Page:Ménard - Rêveries d’un païen mystique, 1911.djvu/75

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les multitudes agenouillées, et le glaive maintient l’obéissance. Le monde se précipite volontairement dans l’esclavage, et sans doute le prince est digne de gouverner les hommes, car, tu le vois, on lui élève des autels.

Socrate. L’horreur m’enveloppe, ô Euménides. Le sang des proscriptions rougit la terre, et quand le maître n’a plus d’ennemis à tuer, on bénit sa clémence. Les tyrans succèdent aux tyrans, au milieu de l’abaissement universel des âmes, et on les met au rang des dieux. En voici un qui tue sa mère, et on le remercie d’avoir sauvé la patrie. Jamais pareille accumulation de crimes et de honte n’avait souillé l’histoire. Écartez ce tableau lugubre, ô Déesses. Les hommes ne peuvent être heureux que si les rois deviennent philosophes ou si les philosophes deviennent rois.

Les Euménides. Tes vœux seront exaucés, Socrate : voici un sage sur le trône du monde, mais il n’en retardera pas d’un jour la décadence. Regarde son fils, l’égal de ces tyrans dont tu voudrais écarter les fantômes ; les rois philosophes ont, comme les autres, des héritiers. Tu redoutais les dissensions populaires dans les républiques, que dis-tu des factions militaires qui met-