Page:Ménard - Rêveries d’un païen mystique, 1911.djvu/77

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gent la conscience des autres hommes qui, s’agenouillant devant eux, confessent leurs fautes et en implorent le pardon. N’est-ce pas là ce règne de l’intelligence rêvé par tous les philosophes, ce gouvernement des meilleurs, dont tu aurais pu faire partie ? Regarde-la maintenant à l’œuvre, cette assemblée auguste, cette aristocratie de la pensée, et juge l’arbre par ses fruits.

Socrate. Hélas ! Je vois l’oppression s’étendre sur la sphère libre de l’intelligence. Les anciens tyrans n’enchaînaient que les corps, ceux-ci enchaînent les âmes. L’éternelle Raison, cette lumière qui éclaire tout homme en ce monde, ils l’adorent dans le ciel et ils la proscrivent sur la terre. Autrefois chaque peuple, chaque homme priait à sa manière, et de cette diversité des hymnes naissait une immense harmonie qui réjouissait le ciel ; mais à ceux-ci toute voix libre paraît une dissonance, et la prière du peuple n’est plus que l’écho monotone des paroles du prêtre. Et si la raison repousse des chaînes contraires à sa nature, les champs pacifiques de la pensée deviennent une arène sanglante, où luttent les factions religieuses inconnues aux peuples d’autrefois. Épargnez-moi, redoutables Déesses ; si