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besoin d’être littéraire : elle est suffisamment utile sans cela. Car, ainsi que le fait observer M. C. Aymonier (op. cit.) « on ne vit pas de belles phrases et d’harmonie ».

Mais si une langue artificielle ajoute à toutes les qualités précédemment énoncées la vertu de traduire les œuvres littéraires, c’est une preuve de plus de son utilité et de sa vitalité.

Et maintenant que nous sommes d’accord, je l’espère, sur l’importance minime que peut apporter cette qualité, examinons la question d’un peu plus près.

La littérature d’un peuple est l’expression du génie particulier de ce peuple, de ce qui le caractérise entre tous les autres peuples, de ce qui le distingue des autres nations. Le jeu habile de ses mots pittoresques en créant les expressions qui lui sont propres, et les rendant intraduisibles dans toutes les langues, reste la manifestation permanente de l’originalité de ses pensées. La littérature d’un peuple est en résumé son esprit personnel : eh bien ! ces termes, ces expressions, ces originalités de langage, l’espéranto, pas plus que les autres langues nationales, d’ailleurs, n’est capable de les traduire : cela ne fait aucun doute.

Traduttore, tradittore, dit le proverbe bien connu. Est-ce que cela empêche pourtant de traduire les chefs-d’œuvre de toutes les littératures dans tou-