Page:Mérejkowsky, Hippius, Philosophoff - Le Tsar et la Révolution, 1907.djvu/180

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Toute sa vie il se repentit, désavoua, maudit la révolution, mais comme les saints maudissent les tentations les plus séduisantes. Et si le « rouge » révolutionnaire devint chez Dostoiewski le « blanc » réactionnaire, c’est toujours le même métal, mais chauffé à blanc. Dans la réaction de Dostoiewski on sent c la révolution à rebours ». Ex lingue leonem. Il a peur, il hait la révolution ; mais il ne peut rien se représenter en dehors de cette révolution qu’il hait. Elle est pour lui la mesure absolue, quoique négative de toutes choses, une catégorie universelle de sa raison. Il ne pense et ne parle que d’elle. Il en délire. Si quelqu’un appela en Russie la révolution comme les magiciens appellent la tempête, ce fut bien Dostoiewski.

Depuis Raskolnikov jusqu’à Ivan Karamasov, tous ses héros préférés sont des révoltés politiques ou religieux, criminels selon les lois humaines et divines et en même temps athées, mais du vrai type russe — athées mystiques — ? non seulement sans Dieu, mais encore contre Dieu. La révolte contre l’ordre humain les mène à la révolte contre l’ordre divin. La haine de la religion, du christianisme, de l’Homme-Dieu, ne se manifeste pas seulement par la négation, mais devient l’affirmation enflammée de l’anti-religion, de l’anti-christianisme. — S’il n’y a pas de Dieu, c’est