Page:Mérejkowsky, Hippius, Philosophoff - Le Tsar et la Révolution, 1907.djvu/182

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Les Démons, tel est le titre qu’il donna à une de ses œuvres les plus prophétiques, et il y mit deux épigraphes : des vers de Pouchkine sur les diables qui apparurent au poète dans un tourbillon de neige, et le récit de l’Evangile sur ceux qui sortirent du possédé pour entrer dans un troupeau de porcs. Selon l’interprétation de Dostoiewski, la Russie est un possédé guéri par le Christ ; les révolutionnaires sont les porcs enragés se précipitant dans le gouffre.

En réalité certaines scènes terribles de la révolution russe ressemblent aux convulsions du démoniaque. Mais quel est le nom du démon ? Son nom c’est : Légion — nom antique romain et byzantin. Légion, c’est-à-dire l’armée du Divin César, passé ou futur, de l’Homme qui veut être Dieu, du Royaume Humain qui veut remplacer celui de Dieu.

Le démon, sortant de Russie, est l’âme impure du « Saint Empire » romain-byzantin, l’âme de la fusion adultère de l’Etat et de l’Eglise, de l’orthodoxie et de l’autocratie. Et certes, ce ne sont pas les chefs de la révolution russe, ces martyrs sans Dieu, ces croisés sans croix, mais bien ceux qui les martyrisent au nom de Dieu, qui les tuent par la croix comme par le glaive, les chefs de la réaction russe, les défenseurs de l’orthodoxie