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Page:Méric - À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, 1931.djvu/114

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l’étudiera plus profondément. Qu’il me suffise d’indiquer ici ce que je connais de l’homme que j’ai vu de très près et que j’ai aimé.

Un après-midi, j’allai le trouver à la Chambre. J’étais alors l’objet de poursuites pour « outrages et injures envers les armées de terre et de mer ». C’était la formule consacrée qui conduisait aux Assises. Depuis, on a fait mieux. On se sert des lois scélérates. On poursuit, non plus aux Assises où l’on risque l’acquittement, mais en correctionnelle, pour provocation au meurtre et à la guerre civile.

Mon crime ? Oh ! c’était bien simple. Je venais de publier une biographie du général d’Amade qui n’était, d’ailleurs, qu’un prétexte pour critiquer et condamner avec véhémence la campagne du Maroc et les horreurs de Casablanca[1]. J’avais cité, en exergue, cette phrase de Clemenceau :

« Qu’y a-t-il de plus contradictoire que d’appeler tous les Français sous les drapeaux pour défendre le foyer sacré de la patrie et de les employer à voler la patrie des autres ? »

L’article commençait ainsi :

« Après les forbans de la finance, voici les apaches de l’armée. Les uns d’ailleurs sont au service des autres… Le sabre a toujours été l’auxiliaire des maîtres et des puissants… Etc…, etc… »

J’expliquai à Sembat :

— Voilà, je suis poursuivi. Avez-vous lu mon papier ?

— Je l’ai lu. C’est parfait. Un peu brutal… un peu jeune, peut-être… Mais tout de même très bien.

  1. Voir le chapitre : Une saison à la Santé, dans le volume : À travers la Jungle politique et littéraire.