Page:Méric - À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, 1931.djvu/96

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haute mission qui vous est confiée. Vous voilà promus au rang de juges. Ne l’oubliez pas.

« Et surtout, lecteurs, n’allez pas condamner à la légère. L’heure est grave. C’est précisément parce qu’il est ardu de se prononcer que nous crions vers vous : Aidez-nous de vos conseils.

« Amis lecteurs, répondez-nous. »

Doit-on le tuer ?

À peine paru, cet « appel au meurtre » provoqua une stupeur et l’indignation générale se donna libre cours.

Pensez donc. Provocation directe à l’assassinat ! Et l’homme visé, cela ne faisait pas de doute, c’était le président du Conseil. Le Parquet s’émut. Des poursuites, de tous côtés, furent réclamées.

Nous, au fond de notre prison, nous nous frottions joyeusement les mains. Ça marchait. Ça rendait.

Ça marchait même trop bien. Des militants de Paris et de province, enthousiasmés, faisaient imprimer des papillons portant la question fatidique : « Doit-on le tuer ? » Ces papillons étaient collés un peu partout, sur les murs, sur les arbres, dans les établissements publics. La police avait beau s’ingénier à les arracher. Ils refleurissaient de plus belle.

On ne voyait plus que cela. On ne parlait plus que de cela. Doit-on le tuer ? Doit-on le tuer ?

Et les réponses affluaient au journal où nous dûmes engager des employés supplémentaires pour dépouiller le courrier.

Doit-on le tuer ? Je n’ai jamais assisté à un pareil chahut. Et, aujourd’hui encore, après tant d’années