Page:Méric - À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, 1931.djvu/98

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convie ses lecteurs à prendre part à un référendum sur cette question : Doit-on le tuer ?

« On désigne, en l’espèce, M. Clemenceau, président du Conseil.

« Son implacable adversaire répugne aux euphémismes et aux circonlocutions (l’implacable adversaire c’était votre serviteur, s’il vous plaît).

« Il écrit froidement : « Déjà le sort de cet individu est à peu près fixé ; un geste suffira pour le supprimer. Doit-on le rayer du monde des vivants ? »

« Et dire qu’il y a des gens qui hésitent à croire que nous vivons en pleine période révolutionnaire ! »

Ce que M. Massard, ancien journaliste révolutionnaire, a pu nous amuser durant quelques soirées, il ne s’en est jamais douté. Pour le remercier, je me mis à publier quelques extraits de sa prose de naguère. Il y avait, vraiment, de jolis couplets. Celui-ci, par exemple, qui date du 15 décembre 1883, à propos de la condamnation de l’anarchiste Cyvoct :

« Que la classe ennemie prenne garde ! En envoyant sur la plate-forme où finissent les assassins vulgaires, ceux qui — utilement ou non — sacrifient leur vie pour une idée, elle s’expose à de terribles représailles. L’échafaud deviendra piédestal, et le clan des exaspérés pourra crier avec succès, comme l’esclave antique :

Coule ! moisson vengeresse !
Coule ! coule ! sang du captif !

« Et, maintenant, que nos Cicérons méditent leurs catilinaires contre ces francs-tireurs du désespoir, que nous importe ; le jour où ils oseront faire passer une tête de socialiste à travers la lunette de la guillotine, ce jour-là, ils s’exposeront à une guerre autrement terrible que celle des barricades : LA GUERRE AU COUTEAU ! »