Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/102

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certaines pages d’une extraordinaire vigueur par lui consacrées à Zo d’Axa, ce vagabond de génie. Pour tout dire, il comptait parmi nos maîtres.

Un beau soir, on apprit que Retté allait se convertir. Le diable se faisait ermite. Stupeur. Mais, depuis, nous en avons vu d’autres. La conversion est très bien portée et, dans les débuts, ça rapportait. Je ne sais pas si le métier vaut maintenant quelque chose. À l’époque, ça permettait de recruter une honorable clientèle catholique, de pénétrer chez le doux Coppée, d’emplir son escarcelle. « Du Diable à Dieu », disait Retté. Et il pensait bien pouvoir expulser le diable de son porte-monnaie.

Un soir, on le vit arriver dans un bistrot de la rue de Seine, quelque peu exalté. Il appela le garçon et commanda une tournée.

— C’est moi qui régale.

Puis il sortit de sa poche deux objets : sa bourse où sonnaient quelques pièces, et un scapulaire. Et, avec un gros rire, montrant l’argent :

— Ça, c’est Coppée.

Il brandit le scapulaire :

— Ça, c’est Huysmans.

L’auteur de La Cathédrale était moins généreux que l’auteur du Passant.

Mais, après des années envolées, quand je songe, non sans une douce hilarité, au geste de Retté, des doutes m’assaillent quant à la sincérité de sa foi catholique.