Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/113

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surtout, de combats féroces livrés à la Gêne et à la Médiocrité — à la Purée hideuse. Sombres bouges de la rue Buci, que d’avortements dans votre puanteur et dans vos fumées. À distance, je vous ressuscite pour vous parer de couleurs brillantes et vous enguirlander de rires. Il y eut, pourtant, de ces soirs lugubres où nos doigts fiévreux cherchaient vainement une pièce de deux sous dans les doublures de nos gilets aussi plates que nos ventres.

Et puis les années coulent. Le pic de la trentaine se rapproche. Il faut s’évader. Alors s’offrent aux tristes épaves quelques perspectives de libération, je veux dire quelques moyens de gagner à peu près son existence, de manger tout son saoul, tant bien que mal. On commence d’abord par se livrer au petit jeu des « adresses et des bandes ». On copie, durant des heures, pour le compte de quelque industriel, des centaines et des centaines de ces adresses. Cela pour quelques sous le mille. Mais on est sauvé, on dîne. Puis, on échoue, un beau soir, au port de la « correction »…

La correction, c’est le havre définitif pour nombre de naufragés. Ce que le Syndicat des correcteurs a pu abriter de bohèmes repentis, décidés à faire une fin, c’est incalculable. J’ai travaillé dans le rayon durant des mois et des mois. J’ai heurté là de très nobles esprits, des écrivains qui, plus tard, surent accrocher la notoriété et, aussi, tous les échantillons d’humanité : des curés défroqués, des professeurs révoqués, des musiciens malchanceux…