Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/126

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comblé de vapeurs et de querelles. Quand je me penche vers ce passé trop passé et trépassé, je te revois, à ta table, dans toute ta souveraineté énorme et écrasante. Et je sais aussi, avec quelle timidité de petite fille, avec quel empressement touchant, tu te montrais toujours prêt à rendre discrètement de menus services.

Pourtant ce bon mauvais diable de Marcel Deschamps apparaissait comme un pamphlétaire redoutable. Plus redoutable quelquefois à ses amis qu’à ses ennemis. Car, dès qu’il s’emparait de la rédaction d’un journal, les procès s’abattaient en tempête, les amendes succédaient aux amendes. Cela jusqu’à la mort du canard, par inanition.

Un jour, nous partîmes pour Marseille pour y confectionner un quotidien socialiste que lançait le guesdiste Marius André, qui faillit battre le vieux Pelletan aux élections législatives. Ce quotidien, La Provence, avait comme éditorialiste Maurice Allard, alors député du Var, qui expédiait ses papiers de Paris. L’équipe régnant à Marseille se composait, outre Marcel Deschamps, de Melgrani, un impénitent bohème échappé du maquis ; de Théo Bretin, Bourguignon barbu, et des citoyens et citoyennes Cambier, en révolte contre la direction du parti. Cette bande fit sensation sur le port. Le journal allait de bric et de broc. Marius André, directeur, ne s’occupait de rien. Melgrani, secrétaire de la rédaction, se disputait avec tous et parfois Théo Bretin, furieux, lui courait sus pour lui flanquer sa botte quelque part.