Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/135

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À l’époque de la Chope, Mayéras était simplement rédacteur à L’Humanité, celle de Jaurès.

Il ne faisait pas bon, alors, de se ranger parmi ses ennemis politiques. C’était un redoutable adversaire. Il n’aimait point les anarchistes, qui le lui rendaient bien. Il montrait infiniment d’esprit — un esprit parfois cruel, mortel, dont il abusait un peu. Ce qui ne l’empêchait nullement d’être le plus doux des hommes.

Cela explique qu’à côté de bien des amis sûrs et qui l’aiment, il ait pu réunir tout un lot d’inimitiés qui ne lui pardonnent rien et dont il s’enorgueillit volontiers.

Mayéras était, avec Bracke, avec René Cabannes, avec Marcel Deschamps, avec Escat, avec moi-même, un des habitués les plus assidus de la Chope. Peu de soirs sans qu’on vit, sur le coup de minuit, apparaître sa barbe en bataille.

À deux heures, à la fermeture, il remontait vers les hauteurs de Montrouge.

Il ne déserta ce lieu, je crois, qu’aux environs de 1912, un peu avant la guerre. Il était alors le représentant de Charenton au Conseil général, puis à la Chambre. Mais quel député !

Il semblait prendre un malin plaisir à irriter ses électeurs et à jouer son siège. Il s’offrait impétueusement aux coups. Ce qui comptera, dans sa carrière, c’est le magnifique et tranquille courage qu’il étala au cours des massacres, alors que tant d’autres, pris de frousse, lâchaient pied.

Aujourd’hui, ce combatif s’est cuirassé de philosophie.