Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/150

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dans cette situation mentale et — veuillez me croire — très provisoire. Les « fous » de toutes sortes, avec leurs petites manies, leurs rêves, leurs illusions, leurs tares, ne manquaient point à la Chope. Nous étions en famille.

Il y avait des rapins chevelus qui ne vivaient que pour l’Art (avec un A majuscule) et ne concevaient rien en dehors des « mouvements » et des jeux de lumière. Ceux-là passaient leurs nuits à discuter sur les valeurs, les tons et les formes. Après quoi, ils dormaient toute la journée. Que de chefs-d’œuvre élaborés et dissipés dans les vapeurs du scaferlati !

Il y avait des « poâtes » qui parlaient rythme, rime, assonances et se jetaient leurs productions à la tête. Car on peut cultiver la Muse au fond d’une taverne. Il suffit d’un geste lent, main passée dans la chevelure, d’un crayon et d’une feuille de papier à cigarette. Les « poâtes » sont favorisés par les Dieux, contrairement à ces messieurs de l’Art qui n’œuvrent qu’à l’aide d’un matériel compliqué et réclament tout un formidable outillage.

Je leur faisais des blagues, à ces nourrissons d’Apollon. Je publiais, dans Les Hommes du jour, des poèmes de ma composition, sous le titre : « Petits chichis », avec la signature : « Vivalvercos ». Il faut que je vous soumette un de ces menus chefs-d’œuvre (vous permettez ?).

Je retrouve, entre autres choses, cette innocente sottise : « Le Crépuscule des Yeux, complainte du jeune aveugle qui ne voit plus la lumière du jour. » Dégustez :