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Buisson, en face, étaient élus avec trente-huit mille suffrages. Mais le comble, ce fut de voir le gros Léon, candidat de « L’Action Française », sortir triomphant de l’urne avec une douzaine de mille voix.

Gustave Téry, candidat sur la liste Painlevé, publiait alors, en manchette, dans L’Œuvre : « Téry, 38.000 voix, battu ; Daudet, 12.000 voix, élu. Beautés du suffrage imaginé par des calculateurs dangereux. » Mais, avec mes quarante-deux mille suffrages, je pouvais rendre des points à Téry comme à Daudet.

Notez que j’étais l’extrémiste de ma liste. De retour du front et littéralement enragé, je hurlais, dans les réunions, à la révolution. Je jetais des « Vive Lénine ! » à la tête des auditeurs consternés. De très braves gens me qualifiaient sévèrement d’énergumène. Je ne saurais dire aujourd’hui s’ils avaient tort ou raison.

Cette tentative m’avait presque dégoûté du suffrage universel. On a toujours tendance à maudire son juge et à le trouver idiot. Je sentis renaître en moi une âme de farouche antiparlementaire. Qu’étais-je allé faire dans cette galère ?

Je ne songeais plus le moins du monde à être candidat à quoi que ce fût, lorsque, soudain, une élection partielle au Conseil municipal de Paris fut décidée dans le quartier Saint-Gervais. M. Léon Riotor, poète et conseiller sortant, venait d’être invalidé je ne sais plus pourquoi. Le parti socialiste, que