Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Après une assez longue cure de silence, rendue indispensable par sa malencontreuse lettre à Arthur Meyer, qui constituait un véritable reniement public, le poète tenta sa réapparition, timidement. Il devint le collaborateur de Jacques Landau, qui venait de lancer une feuille redoutable et redoutée : Je dis tout ! Là, le polémiste était à son aise. Il pouvait tout se permettre et nul ne lui demandait compte de ses violences de plume.

Il débuta par des attaques passionnées contre ses amis d’autrefois, notamment contre ceux qu’il appelait les « cagots de la Loge ». Il brossa, au vitriol, de petites peintures des milieux anarchistes et bohèmes de la Butte. Et c’est alors qu’il se souvint, que, quelques années avant, certaine « Pipe-au-Bec » s’était permis de lui manquer de respect.

Or, Tailhade s’était mis dans la tête — comment diable cela s’était-il fait ? — que le pseudonyme « Pipe-au-Bec » cachait votre serviteur. Il ne m’avait jamais parlé de cette déjà vieille histoire, ni confié, à ce sujet, le moindre soupçon. Aussi quel ne fut pas mon ahurissement, lorsqu’on me communiqua une chronique du poète dans laquelle j’étais violemment pris à partie. Tailhade m’y qualifiait de « jeune bourgeois qui jette sa gourme » ; il me reprochait d’être le fils d’un sénateur radical (mon père était, en effet, sénateur du Var) et, enfin, il se plaignait amèrement des injures effroyables dont je l’avais comblé.