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au traître devient traître à son tour et à son heure. Mais quelques mois après, il savoure la douce satisfaction de voir l’adversaire qui l’a condamné venir le rejoindre dans la léproserie. Un renégat chasse l’autre.

À la vérité, le communisme est une usine de renégats. On fabrique les apostats en série.

En 1924, pour revenir à mon sujet « électoral », c’était la première équipe de « traîtres », dont j’étais l’un des plus beaux spécimens, qui était dénoncée âprement, violemment, par les camarades englués dans l’orthodoxie. Grâce à cet instrument de bourrage de crâne qui s’appelle L’Humanité, nos adversaires avaient la partie belle. Comment lutter ? Nous ne possédions qu’une pauvre feuille hebdomadaire, L’Égalité, et sans un sou en poche. La lutte était affreusement inégale.

C’est pourquoi j’acceptai de figurer comme candidat sur une liste de « classe » dans le troisième secteur, avec les députés socialistes Bracke et Mouret en tête. Je représentais, sur cette liste, mon groupement d’union socialiste-communiste. Aucune illusion, d’ailleurs, sur l’issue de cette bataille. Placés entre le Cartel et les communistes, dépourvus de moyens pour lutter sérieusement, nous devions fatalement être vaincus. Le pauvre Mouret — mort depuis — ne s’y trompait pas. Il préconisait une liste cartelliste allant de Ferdinand Buisson et Painlevé, en passant par Marc Sangnier, jusqu’à l’extrémisme que symbolisait votre serviteur. Pratiquement, il avait raison.