Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/195

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à leurs pantalons à boutons blancs, les autres à leurs chignons. Une de ces femelles me cria, dans le tumulte :

— Crapule !… Salaud !… Je ne voudrais pas dormir avec toi.

J’atténue l’expression. En réalité, elle se servit d’un terme beaucoup plus cru et plus significatif. Et j’étais en accord parfait avec la citoyenne.

Quelques-uns, plus furieux que les autres, cherchaient à frapper. Les chefs les repoussaient, les calmaient, sentant leur responsabilité et supputant l’effet produit, le lendemain. Cette jolie petite séance dura plus de vingt minutes.

À la fin, lassé, ne pouvant articuler une parole, je descendis paisiblement de l’estrade. Il fallut alors passer au milieu de la bande qui se disposa sur deux rangs. Qu’est-ce que j’ai pu prendre ! Menaces, injures ignominieuses, crachats dans le dos… Je m’en tirai tout de même. À la porte, le pauvre vieux Jean Mouret, fiévreux, angoissé, me prit par le bras :

— Vite… Vite !… ils te tueraient… J’ai là un taxi.

Il me poussa dans la voiture. Je crois bien, en effet, qu’il était temps.

Ces gentillesses furent suivies de quelques autres, moins violentes, mais tout aussi agréables. Partout des bandes hurlantes, au XIIIe, au XIVe, au XVe, au Quartier Latin. Mais j’avais encore aggravé mon cas. Je venais de publier dans le dernier numéro de L’Égalité, un article véhément intitulé : « Cannibales », à l’adresse de mes adversaires. J’y contais leurs prouesses et la façon dont ils comprenaient