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Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/199

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Il y a des années que j’ai cessé de le voir — depuis la guerre. Un jour, cependant, je le rencontrai sur les boulevards. Il allait, paisible, la tête dans les épaules, ses yeux de myope clignotant derrière les lorgnons. Je l’arrêtai. Après quelques mots, il me confia :

— Tu vois, j’ai changé… Que veux-tu, il me faut une « foi ». Je ne peux pas vivre sans « foi ».

— Crois-tu que ce soit vraiment indispensable ?

— Oh ! toi tu as toujours été un « dissolvant ». Quand nous marchions tous dans la religion révolutionnaire, tu demeurais sceptique. Tu nous regardais avec le sourire. Mais, pour moi, c’est tout à fait différent.

Il me contempla un instant ; puis, avec une sorte de solennité :

— J’ai cru à la Révolution… Je n’y crois plus. La guerre m’a ouvert les yeux. Alors, n’ayant plus de religion, je me suis rallié à la « foi » de mes pères.

— Laquelle ?

— La foi des Bretons, mes ancêtres… la foi catholique.


J’étais quelque peu abasourdi. Il ajouta :

— Tu y viendras, toi aussi, un jour ou l’autre…

Il s’en alla, de son pas pesant, traversa le boulevard. Figé sur le trottoir, je le suivais des yeux, songeant au disparu, à celui qu’on avait surnommé le « nouveau Blanqui », et qui collectionnait les années de prison. Était-ce bien le même ? Quelles personnalités rivales se livrent, en nous, des luttes confuses, et sommes-nous tellement sûrs de nous connaître ?