Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/229

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de notre peau pour la guerre !… Mais il n’était pas le seul à se renier ainsi. Almereyda, son ancien lieutenant, alors directeur du fameux Bonnet Rouge, hurlait dans la salle du Café du Croissant : « On les aura… jusqu’au trognon ! » Et le père Vaillant, dans l’Humanité ? Et le sympathique Marcel Cachin, qui tendait le poing vers les « Boches » et versait des larmes d’enthousiasme. Du reste, ils étaient nombreux, ceux qui pleuraient, parmi les plus farouches militants de l’antimilitarisme, les uns de peur (Carnet B…), les autres de rage. D’autres encore d’ivresse patriotique. Pleurs et clameurs ! À Berlin ! Aux larmes, citoyens !

Je vis Hervé, avant de partir (le deuxième jour de la mobilisation). On me devait, pour ma collaboration, des sommes folles à la Guerre Sociale. Il me dit : « Ne t’inquiète pas pour ta femme et ton enfant tant que je serai là. Tes appointements seront payés régulièrement. »

Il a tenu parole. D’autres, qui furent mes compagnons et mes amis, et qui s’étaient installés dans la guerre tant bien que mal, me rayèrent de leurs papiers.

Après ?… Ah ! après !… Hervé ne m’appartient plus. Celui que j’évoque, c’est l’autre, le brave homme de général, le « Blanqui moderne ». Je puis attester sa probité, son immense désintéressement, son courage tranquille… Quand je revins, la guerre terminée, j’allais le voir une dernière fois. Il me proposa, naturellement, d’entrer à La Victoire.

— Mais, lui dis-je, un peu embarrassé, c’est que… j’aime autant te le dire… je n’ai pas beaucoup changé…