que jeunesse se passe ! » Mais il me tenait rigueur. Ma jeunesse ne passait pas vite. Je persévérais diaboliquement dans mes erreurs.
Aussi, quand j’écrivis ce fameux numéro des Hommes du Jour (le premier) qui représentait Clemenceau, en tête de mort au bout d’une pique, les ponts étaient-ils rompus complètement entre Clemenceau et mon père. Les deux hommes ne s’adressaient plus la parole. Tout était dit entre eux et chacun se préparait à la lutte prochaine. Mon intervention ne pouvait rien ajouter.
Mais il est très vrai que mon numéro biographique consacré au président du Conseil ne fit qu’aggraver les dissentiments. Mon père, que j’allais voir quelques jours après, ne me désapprouva nullement. Il se contenta de me dire :
— Tu es allé un peu fort.
À quoi Maurice Allard, présent à l’entretien, rétorqua :
— Il est à peine au niveau de la vérité.
Cette biographie était-elle donc si terrible ? Ma foi, tenez, elle débutait ainsi :
On a dit de Clemenceau qu’il avait une tête de Kalmouck ; on a dit aussi qu’il avait une tête de Caraïbe. En réalité, il a une tête de Turc. C’est même la tête de Turc rêvée. Avec lui, on est certain de ne pas rater son coup. Son rôle dans l’opposition, son rôle au pouvoir, les multiples incidents dont fourmille sa carrière politique, ses attitudes, ses gestes, ses paroles, les mots qu’il a trouvés, les maux qu’il a semés, tout concourt à faire de Clemenceau une cible vivante des mieux réussies…