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— Tais-toi, répliquait Almereyda, le pain n’est rien. La révolution, c’est la conquête de la brioche.

Là-dessus, je jetais une douche d’eau froide :

— La brioche avec beaucoup de beurre… beaucoup de beurre dans la fameuse assiette.

Mais j’étais un mécréant, un sceptique (vous ne pouvez imaginer ce que ce terme : sceptique, revêtait de signification péjorativement méprisante). Et Almereyda ajoutait :

— Tu ne crois en rien. Il faut croire. Ce qui te perdra, c’est ton esprit critique.

Malheur ! Je doutais des hommes et je me méfiais des idées. Les événements, par la suite, ne m’ont que trop donné raison. Mais cela n’empêche pas les sentiments.

*
* *

Les premiers mois d’hiver s’écoulèrent ainsi, en discussions fastidieuses, en parties de cartes. À neuf heures, on nous bouclait dans nos cellules où, paisiblement, nous lisions la moitié de la nuit.

Puis, brusquement, il y eut une invasion dans le quartier politique. Une vingtaine de manifestants cueillis dans la rue (je crois que c’était à propos de l’inauguration du monument Floquet où le président du Conseil Clemenceau fut copieusement hué) furent jetés dans le quartier politique. Désormais, le parloir de l’étage au-dessus devenait impossible. Nous demandâmes à parler au directeur.

Le directeur (on le nommait Payan, si mes souvenirs