Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/48

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l’hiver enfermés. Au dehors, nous devinions, nous sentions la verdure, les fleurs… Vous comprenez.

Et de plus, nous possédions un excellent prétexte. Le directeur de la prison convenait, lui-même, que le quartier politique était par trop encombré et que visiteurs comme détenus ne savaient plus où se fourrer.

Nous étions, à cette époque, un petit groupe de cinq. Le dessinateur Aristide Delannoy, condamné avec moi, était venu nous rejoindre.

Pour commencer, Clemenceau se fit tirer l’oreille. Le vieux brigand avait compris immédiatement ce que nous souhaitions. Et, furieux, il clamait :

— Ces messieurs ne doutent de rien. Pourquoi ne pas transformer la Santé en harem ?

Finalement, il céda. Un matin, comme on le harcelait, il déclara :

— Après tout, je veux bien. Ces gens-là n’ont tué personne. Eh bien ! soit ! Ils pourront recevoir dans leur cellule. Mais attention ! le père, la mère et la femme légitime. Pas davantage. Les autres visiteurs ou visiteuses au parloir.

Nous avions gain de cause. Seulement…

Seulement, voilà. Clemenceau avait dit : la légitime. Et aucun de nous n’était marié. Seul Almereyda, déjà père de famille, vivait depuis des années avec sa femme, la mère de son enfant. On se souciait fort peu, en ce temps-là, des formalités du mariage et de M. le Maire. Ceux qui s’aiment sont époux, disait Saint-Just. De mon côté, j’avais bien une petite amie, au Quartier. Eugène Merle, de même. Seul, Delannoy était en règle avec la loi et la morale.