Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/15

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constituer des corps vivants… La cellule est immortelle. Tous les êtres vivants sont immortels. La mort n’est qu’un accident.

Néer continue :

— Je vous entends parfaitement. La Vie toujours, la Vie par-dessus tout… Mais la Vie dépasse l’Être… L’Être n’est qu’une manifestation provisoire de la Vie qui coule éternellement… Et vouloir enfermer la Vie dans l’individu qui, lui-même, constitue tout un monde gonflé d’autres individus en lutte perpétuelle, c’est folie… vous m’écoutez ?… folie pure…

Un instant, je ferme les yeux, absorbé. Je murmure :

— Ce doit être difficile de mourir quand on n’a plus l’habitude.

Néer ne répond rien. Il songe, de son côté, les yeux mi-clos, les lèvres serrées, une barre entre les sourcils.

Ce silence est saturé d’angoisse. J’ouvre la bouche pour une interrogation. Mais, comme s’il m’avait deviné, le professeur se secoue furieusement. De nouveau s’élève son ricanement funèbre :

— Bah ! Dormir a du bon. Après tout, pourquoi serions-nous condamnés à la vie à perpétuité ? Ce n’est déjà pas si gai…

Par un effort que je pressens formidable, de toute sa volonté tendue, il a réussi à s’oindre le visage de calme. Maintenant c’est d’une voix paisible, d’un ton indifférent, comme s’il débitait une leçon, qu’il explique :

— Nous ne savons pas tout du corps humain. Nous avons beau le fouiller jusque dans ses recoins les plus cachés, le disséquer, l’analyser, le peser… il y a toujours quelque point qui nous échappe. Nous avons traqué et vaincu les ennemis invisibles qui l’assail-