Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/157

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et plus les cellules individuelles qui le composent perdent de leur indépendance, cessent de s’affirmer pour s’unir dans des spécialisations qui les classent, détruisent certaines de leurs propriétés et finissent par leur assigner des tâches hors desquelles elles ne peuvent rien. Telle est la loi. Pour nos cellules, mêmes manifestations, mêmes prouesses. Il est établi que les organismes unicellulaires, donc indépendants, possèdent une étonnante faculté de résistance au milieu et s’adaptent merveilleusement à la lutte. Les organismes multicellulaires, au contraire, sont, si j’ose dire, handicapés. En eux s’est établi le nécessaire partage du labeur qui affaiblit chaque fraction.

Je tends éperdument toute mon attention pour suivre ce raisonnement. Les cellules dansent devant mes yeux. Et voici que le broussailleux Potrel, caressant les épines de sa barbe, intervient d’une voix aigre :

— N’oublions pas que les êtres unicellulaires, c’est-à-dire ceux qui jouent les individualistes dans le corps humain, comme dans le corps social, sont voués à la destruction. Il leur reste la possibilité de s’enkyster au moment du danger, et par là ils provoquent de graves inconvénients. Ils ont aussi le pouvoir de régénérer les parties perdues. Prenez de grands infusoires. Sectionnez-les en plusieurs tronçons. Chacun de ces tronçons se transforme rapidement, cicatrise ses blessures, revient à l’état primitif. Mais malheur à la cellule libre si elle se joint à d’autres cellules pour former un organisme nouveau où s’élabore la vie sociale.