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Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/159

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raison humaine est un édifice fragile. L’imagination qui a construit les Dieux est la conséquence de multiples actions et réactions produites au sein de l’organisme. Et c’est déjà un fait considérable. Car il nous suffira dès lors de nous pencher sur les mouvements de nos cellules, d’étudier leurs spécialisations, leurs rôles précis, leurs qualités ou leur nocivité. Le corps humain, comme le corps social, ne connaîtra la sécurité que dans le jeu savant et régulier de ses cellules et de ses groupements de cellules. Toute maladie, toute déviation, tout heurt s’explique par l’équilibre rompu et par la carence des cellules dirigeantes.

Je commence à distinguer vaguement une faible lueur. Si j’entends bien, la société humaine — ma société — repose sur un autoritarisme bienveillant, tolérant et clairvoyant des cellules nobles et sur l’obéissance passive des autres. Pas de révoltes, pas de troubles intestinaux (c’est le cas de le dire), pas de prétentions particulières. La raison d’État commande tout. Mais je ne vois pas bien s’il s’agit d’une autorité traditionnelle et héréditaire ou d’une démocratie avec suffrage universel. J’imagine difficilement les cellules courant aux urnes.

— C’est la loi de l’adaptation qui règle tout, reprend Ugolin, comme s’il avait perçu mes perplexités. Les cellules nobles affectées aux nerfs et au cerveau n’ont acquis leurs qualités que lentement, en baignant dans un liquide spécial, et grâce à leur système de nutrition. Les autres sont vouées, tout naturellement, à des besognes aussi utiles, mais beaucoup moins reluisantes. Voilà la vérité des choses. Le problème est