Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/184

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thérapeutiques et chirurgicaux du docteur qui me choquent et m’effarent. Mais le plus amusant, c’est que ça se complique de prétentions humanitaires et de desseins sociologiques. J’ai idée que cette aventure se terminera avant peu dans quelque cellule, moins confortable que la mienne, à moins que ce ne soit au cabanon.

Je me dis ces choses, et je me les répète, et je les entoure d’une ceinture d’arguments et de déductions irrésistibles. Mais il est bien vrai que je vise surtout à me donner le change. Je sais qu’il n’est rien comme de jeter un homme sain d’esprit au milieu d’une meute d’aliénés, pour que cet homme subisse rapidement la contagion. En serais-je déjà là et les maléfices d’Ugolin opéreraient-ils sur mon esprit ?

Agacé, je m’empare d’un bouquin. Tiens ! il s’agit d’une étude sur la longévité humaine. Je note, en tournant les feuilles, les noms de Paracelse, de Raymond Lulle, de Bacon, des rajeunisseurs précurseurs de mon Ugolin. Le chancelier signale le cas extraordinaire d’une comtesse Desmons qui vécut jusqu’à l’âge de cent quarante ans, vit ses dents repousser trois fois et deux fois sa chevelure. Cette bizarrerie est mentionnée, à plusieurs reprises, dans l’Opus Majus et dans la Guérison de la vieillesse. Très intéressant. Suit l’histoire de l’abbesse de Murviedo, telle que l’a contée Velasquez de Tarente. Cette dame à l’âge de cent ans s’avisa que ses règles, disparues depuis un demi-siècle, faisaient leur réapparition. Ses rides s’effacèrent, ses cheveux blancs redevinrent comme jais ; des dents superbes s’installèrent dans sa bouche, bref elle fut