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Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/230

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redoutables et confuses s’entremêlent dans le lointain, bondissent jusqu’aux nuages. L’Archange fuit sous les coups précipités des esprits du Mal. Un calme mortel pèse comme un casque d’airain sur mon crâne nu. Jamais, jamais, nous ne chasserons les larves de la peur et du mystère qui rampent au plus profond de notre être.

À ma gauche, se profile la pointe violacée de Cancale qui paraît vouloir plonger dans l’abîme. À ma droite, Tombelaine, telle une pustule sur la chair des flots. En me tournant légèrement je vois fuir, vers Genets, la grève jaune aux sables perfides que sillonne la traîtrise d’invisibles courants. Mais l’apocalypsie de l’Océan m’attire. Je regarde la mer qui se plie et se déplie comme un accordéon. Elle vient vers moi, tel un troupeau de pécaris, bouillante et disciplinée, dans une bouffée violente d’iode, de phosphore et de sel qui dilate mes poumons exaspérés. Ah ! Ce souffle chaud et amer qui me fouette les cheveux, comme je m’y baigne, tout mon être tendu, bouche ouverte, doigts crispés, pour le saisir au passage ! Il m’assomme de sa caresse brutale, court sur ma peau, soulève ma poitrine, pénètre par tous les pores, m’assiège, victorieux, de tous les côtés. Je m’y jette éperdument, avec la sensation que je m’évade du sol, libéré de la pesanteur, cependant que la mélopée monotone du flot galopant calfeutre mes oreilles.

Ah ! Mer énigmatique ! Mer où s’écrasent toutes les couleurs et forniquent tous les bruits ! Mer créatrice et nourricière, formidable creuset de vie, quelle obscure animalité s’élabore dans tes profondeurs que toute