Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/253

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tation à la cour du Roi Soleil, parmi la gentilhommerie constellée de parures, dans les galeries resplendissantes de Versailles. Il lui resterait le goût amer et comme la nostalgie de son asile primitif alors que, vêtu de peau et chef de famille, il menait sa couvée dépenaillée et famélique à la recherche du feu et à la chasse aux fauves. Je suis cet homme de la caverne sociale du siècle numéro vingt. Je rêve souvent, trop souvent, de bêtises irréalisables. Le sang de mes ancêtres frappe à mes tempes. J’assiste, impuissant, à la bagarre de mes personnalités superposées qui se heurtent dans un décevant amalgame dont je cherche inutilement à dégager une individualité neuve.

Les vieux, eux, les premiers vieux jeunes, s’isolaient dans leur rêve hautain et partaient derrière Jason-Ugolin à la conquête de la Toison fabuleuse. Ils ont empoigné le passé dans leurs larges pattes et l’ont réduit en bouillie. Ils sont tout dans le présent, un présent qui est leur avenir. Ils sont force et audace. Mais moi, triste moussaillon embarqué pour je ne sais quel naufrage, j’ai parfois, dans ma débilité de trembleur perpétuel, des élans vers le plancher des lâches.

Ce qui est dit est dit. Nous ne pouvons plus retourner vers l’autrefois. Ugolin a procédé à un tel nettoyage par le vide qu’il n’y a même plus place pour des regrets.

Cette société de jadis s’affirmait pourtant bien solide, assise sur ces bases éternelles qu’étaient l’Armée, la Magistrature, l’Église, arcs-boutants de l’Autorité. Elle défiait toutes les attaques et elle édifiait son omnipotence sur la profonde inertie des masses désespérément veules. Des phalanges de révolutionnaires férus