lâcher sa proie et disposait de mille moyens. Le Maître s’acharna à combattre l’accident. Il le trouvait partout, niché dans tous les coins et recoins. Il le traqua, le pourchassa, ordonnant la destruction de toutes les armes, de tous les instruments dangereux. Fusils, pistolets et revolvers, épées, poignards, couteaux, explosifs, canons, mitrailleuses, et les arsenaux et les fabriques, tout ce qui de près ou de loin, se rattachait au meurtre, tout fut brisé. Cependant, dans cette joute à cache-cache avec la mort, Ugolin n’obtint pas facilement le dessus. L’accident demeurait. Il se dissimulait dans l’air, sous l’eau, sous terre ! Le pauvre Ciron fut un des premiers parmi ceux qui succombèrent. Il s’était déjà renouvelé trois fois et poursuivait ses études sur les réactions profondes des cellules nobles transplantées dans un milieu neuf. Il avait su parvenir à donner une sorte d’activité intellectuelle à certaines parties basses de l’individu, notamment aux parties sexuelles, et nous présentait des neutrides chez lesquels le phallus tenait lieu du siège de la pensée, ce qui, selon Ugolin, marquait une inutile régression vers les aberrations du vingtième siècle. J’ai toujours soupçonné Ciron de n’avoir vu, dans cette aventure, que prétexte à amusement paradoxal. Il nous arriva, un matin, la tête entourée de bandages, délirant déjà, nous servit un grand discours sur le Surhomme qui s’ébauchait et devait sortir d’une branche de l’animalité plus évoluée que nous ne le pensions, pour supplanter l’homme, cette erreur de la nature tâtonnante et zigzaguante. Et il mourut, debout, son immense corps distendu, son crâne défoncé, défiant la Camarde, tel Cyrano.
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