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Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/292

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d’une beauté de magicienne. Elle est semblable à une héroïne de roman cosmopolite. Elle reprend :

— Alors, vous vous persuadiez que, toujours, impunément, vous alliez tirer de vos enfants, à l’aide de votre infâme anaplastie, les forces que l’âge tarit en vos carcasses périmées ? Vous espériez pouvoir monopoliser, à votre profit, la belle, la superbe jeunesse, l’irrésistible jeunesse qui apporte, avec elle, de la semence de futur ! Insensés ! Vous n’ajoutez que des couches de vernis sur du bois pourri. Au fond de votre être qui s’ingénie à durer, il y a toujours le vieil animal qui rue furieusement, qui ne veut pas céder. Vous ne prenez aux jeunes gens que leur vigueur physique, rien de leur âme fraîchement éclose.

J’étrangle un gémissement :

— Judith, comment savez-vous ces choses ?

— Qu’importe ! Je sais, voilà l’essentiel. Et je sais aussi que les jeunes — les vrais — auront leur revanche, et très prochainement.

Cette fois, je me hérisse. La menace agit comme un coup de fouet. Et puis Judith parle trop et trop bien. Elle m’a donné le temps de me reprendre. À mon tour, j’attaque :

— Judith, je vous écoute, très calme, sans colère. Vous vous exprimez comme un enfant de chœur. De quelle revanche voulez-vous parler ? Les jeunes, vos jeunes qui nous doivent d’exister, sont à nous. Sans nous, ils ne seraient point. Et que connaissent-ils, que peuvent-ils ? Ils n’ont qu’à satisfaire à la loi naturelle qui veut que la vie se perpétue dans le même être au lieu de s’éparpiller et de se gâcher en essais infructueux.