Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/85

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Elle entra, légère et désinvolte, me jeta un « bonjour, mon chéri », se débarrassa, en un tournemain de son chapeau. Je la contemplai sans un mouvement. Elle me dévisagea d’un coup d’œil vif.

— Qu’as-tu ?

— Moi, balbutiai-je… moi… rien…

— Tu en fais une drôle de bouillotte… Tu n’es pas malade… Alors ! qu’est-ce que tu attends pour m’embrasser ?

Ce que j’attendais ?… l’embrasser… Le moment était venu de lui demander des comptes, de la souffleter de son infamie… Oui, le moment était venu ! J’ouvris la bouche !

— Juliette.

Je tombai à ses pieds, le visage ruisselant de larmes.



— Tu sais, me dit Juliette, l’œil très noir, le front barré d’un pli, je n’aime pas beaucoup ce genre de crises… Est-ce que ça te prend souvent ?… Tu as cru me voir, affirmes-tu, avec un petit jeune homme. Et puis ?… Quels droits penses-tu posséder sur moi ? As-tu la prétention de m’annexer entièrement, corps et âme ?… Mon pauvre ami… ne me regarde pas ainsi, avec ces yeux de jeune ruminant qui a soif du lait de madame sa mère. Écoute-moi plutôt. Que supposes-tu que soit un homme pour moi ? Qu’est-ce, sinon un objet d’amusement, un passe-temps plus ou moins agréable. Et qui oserait m’interdire de changer de joujou ?