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iii
PROSPER MÉRIMÉE

férent et railleur, être soi-même ce spectateur, voilà le trait de plus en plus fort qui s’est gravé dans son caractère, pour laisser une empreinte dans toutes les parties de sa vie, de son œuvre et de son talent[1].

Il a vécu en amateur : on ne peut guère vivre autrement quand on a la disposition critique ; à force de retourner la tapisserie, on finit par la voir habituellement à l’envers. En ce cas, au lieu de personnages beaux et bien posés, on contemple des bouts de ficelle ; il est difficile alors d’entrer avec abnégation et comme ouvrier dans une œuvre commune, d’appartenir même au parti

  1. On dirait qu’il s’est peint lui-même dans Saint-Clair, personnage du Vase étrusque. « Il était né avec un cœur tendre et aimant ; mais, à un âge où l’on prend trop facilement des impressions qui durent toute la vie, sa sensibilité trop expansive lui avait attiré les railleries de ses camarades… Dès lors, il se fit une étude de cacher tous les dehors de ce qu’il regardait comme une faiblesse déshonorante… Dans le monde, il obtint la triste réputation d’insensible et d’insouciant… Il avait beaucoup voyagé, beaucoup lu, et ne parlait de ses voyages et de ses lectures que lorsqu’on l’exigeait. » — Darcy, dans la Double Méprise, est encore un caractère analogue au sien.