Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/198

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aimerais davantage vous voyant tous les jours. Montrez-moi que j’ai tort, et dites-moi un jour bien proche pour nous revoir. C’est le 14 mars que mon sort se décide à l’Académie. Le raisonnement me dit d’espérer, mais je ne sais quel sentiment de seconde vue me dit tout le contraire. — En attendant, je fais des visites fort consciencieusement. Je trouve des gens fort polis, fort accoutumés à leurs rôles et les prenant très au sérieux ; je fais de mon mieux pour prendre le mien aussi gravement, mais cela m’est difficile. Ne trouvez-vous pas drôle qu’on dise à un homme : « Monsieur, je me crois un des quarante hommes de France les plus spirituels, je vous vaux bien, » et autres facéties ? Il faut traduire cela en termes honnêtes et variés, suivant les personnes. Voilà le métier que je fais et qui m’ennuierait fort s’il se prolongeait. Le 14 correspond aux ides de mars, jour de la mort de mon héros, feu César. Cela est ominous, n’est-ce pas ?