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PROSPER MÉRIMÉE

geste ; il se détachait de son sentiment pour juger un caractère ; il écrivait des vérités et des épigrammes que le lendemain on lui rendait.

Tel il fut dans sa vie, tel on le retrouve dans ses livres. Il a écrit et étudié en amateur, passant d’un sujet à un autre, selon l’occasion et sa fantaisie, sans se donner à une science, sans se mettre au service d’une idée. Ce n’était pas faute d’application ou de compétence. Au contraire, peu d’hommes ont été plus et mieux instruits. Il possédait six langues, avec leur littérature et leur histoire ; l’italien, le grec, le latin, l’anglais, l’espagnol et le russe ; je crois qu’en outre il lisait l’allemand. De temps en temps, une phrase de sa correspondance, une note montre à quel point il avait poussé ces études. Il parlait calo, de manière à étonner les bohémiens d’Espagne. Il entendait les divers dialectes espagnols et déchiffrait les vieilles chartes catalanes. Il savait la métrique des vers anglais. Ceux-là seuls qui ont étudié une littérature entière, dans