Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/293

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ser quinze jours sans décolérer, d’abord contre le temps, puis contre les architectes, puis contre vous et contre moi-même. Le temps, qui avait été des plus affreux ces jours passés, s’est remis subitement au beau hier, mais avec une chaleur accablante, accompagnée d’un vent de sirocco qui m’ôte toutes mes forces. J’ai passé vingt-quatre heures chez un député, et, si j’avais l’ambition d’être un homme politique, cette visite-là m’aurait complétement fait changer d’avis. Quel métier ! quels gens il faut voir, ménager, flatter ! Je dirai comme Hotspur : I had rather be a kitten and cry mew. Esclavage pour esclavage, j’aime mieux la cour d’un despote ; au moins, la plupart des despotes se lavent les mains. Je suis fâché d’apprendre que vous partiez si tard pour D… ; c’est-à-dire je crains que vous n’en reveniez bien tard. Ce qui me fait prendre patience dans mon métier, c’est de penser que, lorsque je serai de retour, je vous retrouverai en face de ces lions de l’Institut, et qu’après m’avoir fait grise mine pendant un quart d’heure, vous me ferez oublier tous mes ennuis. Combien de temps passerez-vous à D… ? Voilà ce que je me de-