Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/319

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depuis que j’ai passé le Tmolus. Mon admiration demeure exclusive pour ses ombrages et surtout pour la façon dont on y entend la cuisine ; ici, la grande affaire est zu speisen. Tous les honnêtes gens, après avoir dîné à une heure, prennent le thé et des gâteaux à quatre, vont manger à six un petit pain avec de la langue fourrée dans un jardin ; ce qui permet d’attendre jusqu’à huit heures pour entrer dans un hôtel et souper. Ce que deviennent les femmes pendant ce temps-là, je l’ignore ; ce qu’il y a de certain, c’est que, de huit à dix, il ne reste pas un homme dans les maisons : chacun est dans son hôtel favori à boire, manger et fumer ; la raison est, je crois, dans les pieds de ces dames et la bonté du vin du Rhin.

Je pense que vous allez être à Paris dans deux ou trois jours. En voyant les bois du Rhin et de la Moselle si verts, je ne puis me figurer que ceux de notre température soient devenus des balais. Cela n’est malheureusement que trop possible. Vous l’avez voulu. Adieu ; je suis fâché de ne pas vous avoir dit de m’écrire à Cologne, mais il est trop tard.