Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/366

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par une pluie battante et Saint-Aignan par une pluie intermittente. Je suis rentré à Paris le 7 par la pluie, reparti le même jour au milieu d’un orage et j’ai descendu le Rhône par un brouillard à couper au couteau. C’est seulement dans la Canebière que j’ai retrouvé le soleil ; depuis deux jours, il brille dans toute sa gloire. J’y ai trouvé (à Marseille, et non dans le soleil) mon cousin et sa femme, que j’ai embarqués hier sur le Léonidas par une mer d’un bleu céleste, sans une vague, et un temps ni froid ni chaud dont vous n’avez nulle idée en vos tristes pays du Nord. Ce sont les seuls parents qui me restent, et les propriétaires de ce salon que vous avez daigné honorer de votre approbation. Je me suis senti pris d’un isolement bien triste lorsque j’ai vu le panache de fumée du Léonidas disparaître derrière les îles que vous connaissez par la description de Monte-Cristo. Je me suis senti vieux et ganache. J’aurais eu besoin de votre présence et j’ai pensé combien vous vous seriez amusée en ce pays qui me paraît si maussade. Je vous y ferais manger des fruits de vingt espèces différentes qui vous sont inconnues ; par exemple, des pêches jaunes et des