Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/90

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En m’envoyant votre portrait, il me semble que vous m’avez donné la preuve que vous m’estimiez assez pour croire à ma discrétion. Pourquoi n’y croiriez-vous plus ? La discrétion d’un homme, et la mienne en particulier, est d’autant plus grande qu’on lui demande davantage. Cela posé, et vous étant sûre de ma discrétion, vous pouvez me voir, et le monde n’est pas plus avancé qu’il ne l’est maintenant, et il ne peut par conséquent crier à l’impropriété. J’ajouterai encore, et la main sur la conscience (c’est-à-dire à gauche), que je ne vois pas, quant à moi, la moindre inconvenance là-dedans. Je dirai plus. Si cette correspondance doit se continuer sans que nous nous voyions jamais, elle devient la chose la plus absurde qu’il y ait au monde. J’abandonne tout cela à vos réflexions.

Si j’étais plus fat, je me réjouirais de ce que vous me dites de mon diamant. Mais nous ne pouvons jamais nous aimer d’amour. Je parle de vous et de moi. Notre connaissance n’a pas commencé d’une manière qui puisse nous mener là. Elle est beaucoup trop romantique. Quant au diamant, mon compagnon de voyage, tout en fumant son