Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 2,1874.djvu/12

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trop m’ennuyer, à ne rien faire. Si je n’étais réellement très-souffrant, je me plairais beaucoup à ce calme et je voudrais qu’il durât toute l’année. Vos étonnements en voyage doivent être très-amusants, et je regrette bien de n’en être pas témoin. Si vous aviez arrangé vos affaires avec un peu de tactique, nous aurions pu nous rencontrer en route et faire une excursion ou deux, voir des chamois ou tout au moins des écureuils noirs. Si je n’étais pas si malade qu’il m’est impossible de mettre deux idées l’une devant l’autre, je profiterais de votre absence pour travailler. J’ai une promesse à remplir avec la Revue des Deux Mondes, et une Vie de Brantôme à faire, où j’ai une grande quantité de choses téméraires à dire. Je m’amuse à en retourner les phrases dans ma tête ; mais le courage me manque lorsqu’il s’agit de quitter mon fauteuil pour aller les écrire. Je suis fâché que vous n’ayez pas emporté un volume de Beyle sur l’Italie, qui vous aurait amusée en route et appris quelque chose sur la société. Il aimait particulièrement Milan, parce qu’il y avait été amoureux. Je n’y suis jamais allé, mais je n’ai jamais pu aimer les