Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 2,1874.djvu/147

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J’emporte avec moi une nouvelle édition des œuvres de Pouschkine, et j’ai promis de faire un article sur lui. Je me suis mis à lire ses poésies lyriques et j’y trouve des choses magnifiques, tout à fait selon mon cœur, c’est-à-dire grecques par la vérité et la simplicité. Il y en a quelques-unes très-vives que je voudrais traduire pourtant, parce qu’en ce genre, de même qu’en bien d’autres, il me paraît très-supérieur pour la précision et la netteté. Quelque chose dans le genre de l’ode de Sappho, Δέδὴκε μἐν σελάνοι, me rappelle que je vous écris la nuit dans une chambre d’auberge, et je pense à toute sorte d’histoires du bon temps, etc. De toutes les petites misères de ce temps-ci, la pire pour moi, c’est l’insomnie. Toutes les idées sont noires et on se prend en grippe soi-même.

Adieu, chère amie ; tâchez de vous bien porter et de dormir. Vous avez encore plus beau temps que nous et plus joyeuse compagnie. Mangez-vous des bananes à Alger ? C’est le meilleur fruit du monde, à mon avis, mais je voudrais en manger avec vous. Sur cette idée-là, chère amie, je vous souhaite le bonsoir. Je serai à Cannes vers le 25 de ce mois.