Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 2,1874.djvu/249

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en scène et le rôle du gendarme scythe ? Ce qui est plus extraordinaire que tout, c’est la façon sans gêne dont Aristophane parle des dieux, précisément le jour de leur fête, car c’était aux Dionysiaques qu’on a donné les Grenouilles, où Bacchus joue un si singulier rôle. La même chose a eu lieu dans les premiers temps du christianisme. On jouait la comédie dans les églises. Il y avait la messe des sots et la messe de l’âne, dont on a le texte à jour dans un manuscrit très-curieux. Ce sont les méchants qui ont gâté tout en doutant. Lorsque tout le monde croyait, tout était permis. Outre les sottises qu’Aristophane jette dans ses pièces comme du gros sel, il y a des chœurs de la poésie la plus belle. Mon vénéré maître M. Boissonade disait qu’aucun autre Grec n’avait fait mieux. Je vous recommande, si vous ne l’avez pas lu encore, les Nuées. C’est, à mon avis, la meilleure pièce qui se soit conservée de lui. Il y a un dialogue du Juste et de l’Injuste, qui est du style le plus élevé. Je crois qu’il y a quelque chose de vrai dans les reproches qu’il fait à Socrate ; même après l’avoir entendu dans Platon, on est tenté d’excuser la ciguë. C’est une