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CCLXXVI

Madrid, 24 octobre 1864.

Chère amie, je suis venu ici par hasard, car je vis à la campagne et j’y serai jusqu’à samedi. Nous avons un froid et une humidité abominables, et la nièce de madame de M… y a gagné un érysipèle. La moitié des gens est malade, et moi très-enrhumé. Vous savez que les rhumes sont graves pour moi qui ai bien de la peine à respirer déjà quand je me porte bien. Le mauvais temps est venu depuis une semaine avec une violence abominable, selon l’ordinaire de ce pays-ci, où les transitions sont inconnues, de quelque espèce qu’elles soient. Vous figurez-vous la misère de gens qui vivent sur un plateau élevé, exposé à tous les vents, n’ayant pour se réchauffer que des braseros, meuble très-primitif avec lequel on a le choix de geler ou de s’asphyxier ? J’ai trouvé ici que la civilisation avait fait de grands progrès qui, à mes yeux, ne l’ont pas embellie. Les femmes ont