Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 2,1874.djvu/343

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

arrivé un accident étrange. J’ai eu l’idée d’écrire une nouvelle pour mon hôtesse, que je voulais payer en monnaie de singe. Je n’ai pas eu le temps de la terminer ; mais, ici, j’y ai mis le mot fin, auquel je crains qu’on ne trouve des longueurs. Mais le plus étrange, c’est que j’avais à peine fini, que j’ai commencé une autre nouvelle ; la recrudescence de cette maladie de jeunesse m’alarme, et ressemble beaucoup à une seconde enfance. Bien entendu, rien de cela n’est pour le public. Lorsque j’étais dans ce château, on lisait des romans modernes prodigieux, dont les auteurs m’étaient parfaitement inconnus. C’est pour imiter ces messieurs que cette dernière nouvelle est faite. La scène se passe en Lithuanie, pays qui vous est fort connu. On y parle le sanscrit presque pur. Une grande dame du pays, étant à la chasse, a eu le malheur d’être prise et emportée par un ours dépourvu de sensibilité, de quoi elle est restée folle ; ce qui ne l’a pas empêchée de donner le jour à un garçon bien constitué qui grandit et devient charmant ; seulement, il a des humeurs noires et des bizarreries inexplicables. On le marie, et, la première nuit de ses