Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 2,1874.djvu/360

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Je lis avec toute la peine possible le Saint Paul de M. Renan. Décidément, il a la monomanie du paysage. Au lieu de conter son affaire, il décrit les bois et les prés. Si j’étais abbé, je m’amuserais à lui faire un article de revue. Avez-vous lu la harangue de notre saint-père le pape ?

Je suis sûr que nous allons avoir en paroles et en actions des énormités pour lesquelles il n’y aura pas assez de pommes cuites. Hélas ! cela peut finir par des projectiles plus durs ! Quel malheur que l’esprit moderne soit si plat ! Croyez-vous qu’on l’ait jamais été autant ? sans doute, il y a eu des siècles où l’on était plus ignorant, plus barbare, plus absurde, mais il y avait çà et là quelques grands génies pour faire compensation, tandis qu’aujourd’hui, ce me semble, c’est un nivellement très-bas de toutes les intelligences. Comme je ne sors guère, je lis beaucoup. On m’a envoyé les œuvres de Baudelaire, qui m’ont rendu furieux. Baudelaire était fou ! Il est mort à l’hôpital après avoir fait des vers qui lui ont valu l’estime de Victor Hugo, et qui n’avaient d’autre mérite que d’être contraires aux mœurs. À pré-