Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 2,1874.djvu/376

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encore. Il n’y a que quelques jours qu’on me permet de mettre le nez dehors. Je suis horriblement faible ; cependant, on me fait espérer qu’à la fin de la semaine prochaine je pourrai me mettre en route. Probablement je reviendrai à petites journées, car je ne pourrais jamais supporter vingt-quatre heures de chemin de fer. Ma santé est absolument ruinée. Je ne puis encore m’habituer à cette vie de privations et de souffrances ; mais, que je m’y résigne ou non, je suis condamné. Je voudrais au moins trouver quelques distractions dans le travail ; mais, pour travailler, il faut une force qui me manque. J’envie beaucoup quelques-uns de mes amis, qui ont trouvé moyen de sortir de ce monde tout d’un coup, sans souffrances, et sans les ennuyeux avertissements que je reçois tous les jours. Les tracas politiques dont vous me parlez ont troublé aussi le petit coin de terre que j’habite. J’ai vu ici pleinement combien les hommes sont ignorants et bêtes. Je suis convaincu que bien peu d’électeurs ont eu connaissance de ce qu’ils faisaient. Les rouges, qui sont ici en majorité, avaient persuadé aux imbéciles, encore bien plus nombreux, qu’il s’agissait d’un impôt nouveau