Page:Mérimée - Carmen.djvu/107

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Les caractères physiques des Bohémiens sont plus faciles à distinguer qu’à décrire, et lorsqu’on en a vu un seul, on reconnaîtrait entre mille un individu de cette race. La physionomie, l’expression, voilà surtout ce qui les sépare des peuples qui habitent le même pays. Leur teint est très basané, toujours plus foncé que celui des populations parmi lesquelles ils vivent. De là le nom de Calé, les noirs, par lequel ils se désignent souvent[1]. Leurs yeux sensiblement obliques, bien fendus, très-noirs, sont ombragés par des cils longs et épais. On ne peut comparer leur regard qu’à celui d’une bête fauve. L’audace et la timidité s’y peignent tout à la fois, et sous ce rapport leurs yeux révèlent assez bien le caractère de la nation, rusée, hardie, mais craignant naturellement les coups comme Panurge. Pour la plupart les hommes sont bien découplés, sveltes, agiles ; je ne crois pas en avoir jamais vu un seul chargé d’embonpoint. En Allemagne, les Bohémiennes sont souvent très jolies ; la beauté est fort rare parmi les gitanas d’Espagne. Très jeunes elles peuvent passer pour les laiderons agréables ; mais une fois qu’elles sont mères, elles de-

  1. Il m’a semblé que les Bohémiens allemands, bien qu’ils comprennent parfaitement le mot Calé, n’aimaient point à être appelés de la sorte. Ils s’appellent entre eux Romané tchavé.