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Page:Mérimée - Carmen.djvu/109

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tana. Un Andaloux, à qui je racontai cette anecdote, prétendit que cet homme immoral aurait eu plus de succès en montrant deux ou trois piastres, et qu’offrir des onces d’or à une Bohémienne, était un aussi mauvais moyen de persuader, que de promettre un million ou deux à une fille d’auberge. — Quoiqu’il en soit il est certain que les Gitanas montrent à leurs maris un dévoûment extraordinaire. Il n’y a pas de danger ni de misères qu’elles ne bravent pour les secourir en leurs nécessités. Un des noms que se donnent les Bohémiens, Romé ou les époux, me paraît attester le respect de la race pour l’état de mariage. En général on peut dire que leur principale vertu est le patriotisme, si l’on peut ainsi appeler la fidélité qu’ils observent dans leurs relations avec les individus de même origine qu’eux, leur empressement à s’entraider, le secret inviolable qu’ils se gardent dans les affaires compromettantes. Au reste, dans toutes les associations mystérieuses et en dehors des lois, on observe quelque chose de semblable.

J’ai visité, il y a quelques mois, une horde de Bohémiens établis dans les Vosges. Dans la hutte d’une vielle femme, l’ancienne de sa tribu, il y avait un Bohémien étranger à sa famille, attaqué d’une maladie mortelle. Cet homme avait quitté un hôpital où il était bien soi-